Le périnée, un atout largement sous-estimé pour atteindre l’orgasme

En plus des nombreuses vertus qu’elle offre, la maîtrise des muscles du plancher pelvien permet de faire grimper la jauge de plaisir sexuel. Tant pour les femmes que pour les hommes.

Il aura fallu trente-cinq ans et un accouchement pour que Mélissa* s’intéresse à son périnée. C’est pendant son post-partum il y a neuf ans qu’elle apprend véritablement à le maîtriser. Il s’agit pourtant d’un muscle – ou plutôt d’un ensemble de muscles– essentiel qui s’étend du pubis jusqu’au coccyx. Comme une sorte de hamac, il soutient les organes du petit bassin c’est-à-dire la vessie, le rectum, le vagin et l’utérus.

Or l’accouchement est l’événement le plus traumatisant pour le périnée, qui en ressort souvent relâché. D’où la nécessité pour beaucoup de jeunes mères de suivre une rééducation afin de lui redonner du tonus. «Les muscles qui vont nous intéresser quand on parle d’exercices du périnée sont les muscles du plancher pelvien, appelés aussi releveurs de l’anus», indique Clémentine Siméon, kinésithérapeute du périnée.

Manque d’information

Ce diaphragme musculaire situé dans le périnée dit «profond» permet de se retenir de faire ses besoins. C’est ce que l’on appelle la continence fécale et urinaire. Après la naissance de sa fille, Mélissa suit la méthode Connaissance et maîtrise du périnée (CMP) qui consiste à utiliser des images pour visualiser et engager les différents muscles périnéaux. «Souvent, il s’agit davantage d’une éducation du périnée qu’une rééducation», constate Clémentine Siméon. «Avant ma grossesse, je n’en avais que vaguement entendu parler», confirme Mélissa.

Outre l’accouchement, l’effet de la gravité et les pressions répétées qu’il subit mettent le périnée à rude épreuve. La pratique de sports dits «à impact» comme la course à pied, la corde à sauter ou encore le volley-ball peuvent le fragiliser avec le temps. «En faisant des abdominaux classiques, type relevé de buste, on pousse les viscères vers le bas et on appuie sur le plancher pelvien, ce qui peut entraîner de l’incontinence ou encore un prolapsus, appelé plus communément descente d’organes», prévient aussi Julie Pujols, coach sportive.

Mais alors, «pourquoi ne sommes-nous pas plus informées en amont sur l’importance et l’utilité d’avoir un bon périnée? Pourquoi devoir se retrouver face à un problème pour s’y intéresser?», s’interrogent à juste titre Delphine Carré et Clémentine Siméon dans l’ouvrage qu’elles cosignent Périnée, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sans jamais oser le demander aux éditions de l’Opportun. «Ce n’est qu’une fois que tu accouches que tu ressens comme une légitimité à t’en occuper», juge Mélissa. «Aujourd’hui il faut avoir une raison médicale pour travailler ou entretenir les muscles du périnée […] alors que tout autre entraînement musculaire est fortement encouragé pour rester en forme et en bonne santé», dénonce le Dr Bernadette de Gasquet dans son livre Périnée arrêtons le massacre aux éditions Marabout.

Orgasme à volonté

Ce manque d’information sur le sujet est d’autant plus incompréhensible que le rôle du périnée ne se limite pas aux fonctions de continence. «On ne dit pas assez que le périnée fait partie de la santé sexuelle», regrette Patrizia Anex, sexothérapeute basée en Suisse qui prône une éducation du périnée pour toutes les jeunes femmes.

Il va d’abord jouer un rôle sur l’excitation sexuelle. «Par des contractions volontaires, on va pouvoir jouer sur sa courbe d’excitation», explique Catherine Garcin, sexologue et sage-femme. «Quand vous contractez et relâchez le périnée, cela créé des fourmillements et une vaso-congestion, c’est-à-dire que le clitoris va se gorger de sang», détaille Patrizia Anex. Avec ses patientes, cette dernière travaille sur les sensations ressenties lors des contractions du périnée. «Cela permet à celles qui n’identifient pas cette sensation d’excitation sexuelle de la repérer, et de l’apprivoiser», indique la spécialiste.

«Si l’on veut avoir de façon active un orgasme pendant la pénétration, il faut jouer avec son périnée pour faire monter l’excitation et le plaisir.»

Catherine Garcin, sexologue et sage-femme

Pour Mélissa, les contractions du périnée représentent même une arme secrète lorsqu’elle ressent moins de plaisir et que l’orgasme ne vient pas. «J’ai remarqué que quand je faisais un certain mouvement que j’avais appris pendant les séances de rééducation en contractant et en relâchant plusieurs fois, cela remettait la machine en route», décrit-elle. Elle se reconnecte alors à son plaisir et parvient à jouir. «Si l’on veut avoir de façon active un orgasme pendant la pénétration, il faut jouer avec son périnée pour faire monter l’excitation et le plaisir», abonde Catherine Garcin.

Pas étonnant puisqu’il joue un rôle de premier plan pendant l’orgasme. Au moment du pic du plaisir, il y a une contraction du périnée, et en particulier des muscles ilio-coccygiens sous forme de série de spasmes. S’il s’agit de réflexes incontrôlés, des femmes souffrant d’anorgasmie (absence d’orgasmes) peuvent tenter de reproduire ces contractions et décontractions pour jouir. «Parfois, cela fonctionne», assure Patrizia Anex.

Maîtriser l’éjaculation

Chez les hommes aussi le périnée est étroitement lié au plaisir sexuel, à l’érection et à l’éjaculation. C’est ce qu’apprend Claude*, âgé de 33 ans, dans le numéro spécial sexe d’un magazine. Après une rupture sentimentale, il rencontre des problèmes au lit qui l’inquiètent. «J’avais l’impression d’être devenu éjaculateur précoce», confie-t-il. Dans cette revue, il est écrit que les contractions du périnée permettent de retarder l’éjaculation –«même si ce lien n’est pas scientifiquement prouvé», nuance Clémentine Siméon.

Curieux mais pas convaincu, il se met alors à effectuer des contractions tous les jours sous sa douche pendant plusieurs semaines, qu’il reproduit pendant ses rapports sexuels. Le résultat est sans appel: «Il y a peut-être une part psychologique, mais j’ai senti que je maîtrisais beaucoup mieux mon éjaculation», constate-t-il. «Contrairement à ce que font certains hommes pour repousser l’éjaculation, il faut décontracter son périnée et non pas l’inverse», souligne de son côté Patrizia Anex. Mais qu’importe, le fait de jouer entre le relâchement et la contraction de ces muscles procure à Claude plus de sensations et une meilleure maîtrise.

«C’est d’ailleurs aussi ce relâchement que l’on va travailler pour venir en aide aux femmes souffrant de dyspareunie, c’est-à-dire des douleurs pendant les rapports sexuels», indique Clémentine Siméon qui alerte sur le risque d’hypertonie périnéale. Plus que la tonicité, la conscientisation du périnée représente donc probablement le levier de plaisir le plus important. «J’ai découvert le plaisir de l’intérieur», se réjouit Mélissa, avant de conclure: «Aujourd’hui, à 44 ans, je découvre encore de nouvelles sensations.»

Un article de Slate